Cahier thématique – Développement économique et création d’emplois
Haïti Perspectives, vol. 1 • no 1 • Printemps 2012 27
© GRAHN-Monde, 2012 Reproduction autorisée, moyennant mention de la source
et internationaux ainsi que les opportunités d’aaires
en Haïti. Évidemment, des mesures d’accompagnement3
comme des fonds de garantie sont toujours les bienvenues.
Elles peuvent aider les banques et les institutions à octroyer
des crédits à des taux d’intérêt raisonnables. Le seul incon-
vénient avec les mesures d’accompagnement, c’est qu’elles
attirent parfois le mauvais type4, motivé uniquement par
le prot. À moins d’être associées à de puissants méca-
nismes incitatifs, ces mesures risquent d’avoir un eet
pervers. Dans le cas d’un fonds de garantie, par exemple,
beaucoup d’entrepreneurs chercheront du coup à créer des
entreprises sous le seul prétexte d’avoir accès au fonds. Par
contre, la simple stratégie de mettre les informations sur les
opportunités à la disposition de tous permet de distinguer
le vrai entrepreneur du faux. En eet, le vrai chercherait
tous les moyens possibles (fonds propres, prêts, transferts
de la diaspora, etc.) pour essayer de monter son entreprise5.
Il n’attend pas forcément l’État avec les mesures d’accom-
pagnement. Le seul accès à l’information sur les opportu-
nités lui permet de prendre tout seul (ou de s’associer à) des
décisions d’investissement. Ainsi se développe une culture
d’interdépendance facilitée par l’accès à l’information. Ce
changement de mentalité, souvent réclamé par des gens
rééchis comme condition de base à la réussite de la recons-
truction d’Haïti, est obtenu facilement dans notre modèle
économique. Mais comment un tel modèle permet-il de
créer des interactions entre les acteurs en vue de parvenir à
une croissance inclusive ? C’est ce que nous allons aborder
dans la quatrième et dernière partie de l’article.
6. MÉCANISME D’INTERACTION ENTRE
LES ACTEURS SUR LES MARCHÉS
Quel serait donc l’avantage pour les entreprises, ministères
et agences, organisations internationales, ONG et projets
de publier leurs ores d’emploi et appels d’ores sur un
3. L’État peut obliger les cantines scolaires, restaurants publics,
hôtels, etc., à utiliser un quota d’au moins 40 % de production
locale végétale, animale et artisanale dans leur consommation.
Il peut aussi imposer aux ministères d’allouer des stages d’été
aux étudiants des universités publiques, leur permettant d’avoir
un peu de ressources pour monter (ou s’associer à) un « busi-
ness ». L’État peut ainsi aider à créer de la richesse.
4. Le lecteur peut se référer à la théorie du principal-agent dans La
éorie de contrats de Bernard Salanié (Economica, 1994).
5. À titre d’exemple, trois entreprises privées haïtiennes (OASIS,
E-POWER, GÉNINOV S.A.) générant de la richesse dans l’éco-
nomie haïtienne ont été récemment créées par association de
professionnels haïtiens et étrangers après une étude du marché
et l’observation d’un besoin dans leurs secteurs respectifs. Cela
n’aurait pas été possible sans l’accès à l‘information sur les
opportunités sur de tels marchés.
site Web intégré ? Comme nous l’avons expliqué précé-
demment, un tel site Web serait utilisé par tous les acteurs
(entreprises, professionnels, étudiants, centres de formation
technique ou universitaire, etc.) sur le marché du travail. À
y publier les ores d’emploi et les appels d’ores, on donne
accès à ces informations à tous ces acteurs qui en useront
chacun à sa façon. Les étudiants l’utiliseront pour choisir
leur formation technique ou universitaire. Les universités
et écoles techniques s’y appuieront pour orir des for-
mations adaptées au marché du travail. Les diplômés et
professionnels s’en serviront pour trouver un emploi. Les
entreprises l’emploieront pour trouver des contrats et des
marchés et pour recruter des professionnels sur le marché.
L’État y puisera les statistiques nécessaires à l’élaboration
des politiques publiques de l’emploi et de l’éducation.
Chacun en sort donc gagnant, la croissance économique
augmente et est naturellement répartie, et le dé de l’aide
au développement, enn relevé.
Le mécanisme proposé consiste à mettre en place une pla-
teforme Web qui servirait de passerelle entre :
• les professionnels (étudiants, diplômés, consultants
et experts) – ressources ;
• les universités/écoles techniques – formation des res-
sources ;
• les entreprises (entreprises, ministères et agences,
organisations internationales, ONG et projets) – uti-
lisation des ressources ;
• les marchés (opportunités, contrats, appels d’ores)
– mécanismes d’allocation des ressources.
Une telle passerelle créerait ainsi une interaction naturelle
entre tous les acteurs du marché en vue de participer à la
création de la richesse. Chacun y trouverait son avantage
personnel (eet individuel) et fait intéressant, créerait de
la valeur ajoutée pour les autres acteurs (eet collectif).
Elle permettrait d’anticiper et de satisfaire les besoins du
marché par des actions coordonnées des acteurs, se basant
sur les statistiques automatiquement générées sur le marché
du travail, comme celles présentées dans le tableau1.
Malgré leurs limites6, ces statistiques, compilées de janvier
2008 à août 2011 à partir d’ores d’emploi publiées sur
Internet, suggèrent à l’État d’augmenter la capacité d’ac-
cueil des centres publics de formation en management/ u
6. D’abord, 30 % des ores ne passent pas par Internet. Ensuite,
la majorité des entreprises ne publient même pas leurs ores et
recrutent par référence. Enn, les demandes de techniciens, de
personnel de maison, du secteur informel se font systématique-
ment par référence.